Ensemble pour une Menoua commune et développée

LU POUR VOUS SUR UN MUR

PAR SOUOP SOFFO SA’A MEKÙ (Lucas Kamdem):


Réponses aux questions

  1. La tradition Bamiléké a-t-elle prévu la possibilité de remboursement de la dot?
    Absolument NON.
    Chez la Bamiléké, le divorce n’existe pas. Une union maritale est scellée une fois pour toute. C’est la raison pour laquelle, le père de la mariée, avant de sceller le mariage par une libation à base du vin de raphia et une communion à base du kola, pose à la fille mille questions, pour lui faire savoir que l’acte en cours est irréversible. La dot constitue le mariage chez les Bamiléké ; ce mariage est un sacrement religieux, et comme tel, ne s’aurait être une partie de plaisir. Pour symboliser cette irréversibilité du mariage, le père fait savoir à sa fille que, pour que ce mariage prenne fin, il va falloir qu’ils remettent à la famille de l’époux ce vin qu’il est en train de boire et le kola qu’il va manger. Choses impossibles, une fois bues et mangées. D’aucuns vont jusqu’à mélanger 2 sortes vin et demander aux mariés de les séparer. Leur incapacité à leur faire symbolise l’indissolubilité de leur union.
    L’idée de remboursement de la dot est née dans le monde matérialiste dit moderne, de nos jours. Dans la culture Bamiléké, la femme est un bien, un bien humain. Et qui dit bien, dit aussi existence du propriétaire du bien (Tαnkαb, en mə̀dʉ̂mbὰ). Le propriétaire de ce bien qu’est la femme, est son père (ou son grand-père paternel, si elle est la première fille de son père à aller en mariage). Ce droit de propriété est transféré au mari par l’acte de la dot. Un mari qui accepte que la dot lui soit remboursée, viens par la même occasion de ‘’vendre’’ sa femme et ses enfants et perd tous les droits coutumiers sur eux, ce qu’aucun homme n’osera faire.
  2. Le premier mari peut-il désigner comme successeur l’unique garçon fait par son exe femme dans le deuxième mariage ?
    Oui, tous les enfants du ‘’deuxième mariage’’ de sa femme sont ses enfants. Il a tous les droits coutumiers sur eux (Si c’est chez les Bangangté par exemple, les ndab (‘’éloges’’) des enfants du ‘’kə̌dmɛ̀nnzwi’’ (c’est-à-dire femme volée), seront lié à son premier mari, et non au ‘’deuxième’’ (appelé imposteur, par les Bamiléké), sinon, des malheurs s’abattront sur les enfants du ‘’deuxième mariage’’ et leur descendance. Nous en déduisons que le fils du ‘’deuxième mariage’’ ne peut pas succéder à son père biologique ; sauf dans des cas extrêmes de nécessité d’un successeur pour celui-ci. Dans ce cas, ce fils doit d’abord être ‘’acheté’’ (doté) à son père coutumier, avant de pouvoir succéder à son père biologique.
  3. (cf. question 2).
  4. La tradition Bamiléké donne-t-elle la possibilité à la femme de choisir le lieu de sa dernière demeure?
    NON. Chez les Bamiléké (je l’ai dit plus haut), la femme ne s’appartient pas. Elle est toujours enterrée chez le Tαnkαb (le propriétaire du bien); c’est-à-dire chez son père si elle n’a pas été dotée, ou chez celui qui l’a dotée. Autrement, une malédiction s’abattra sur la génération future. On parlera alors de “Ndiὰg kə̀ jʉ” (celui qui a labouré pour avoir son bien, mais n’en a pas joui, parce qu’on le lui a pris), on leur fera savoir que leur père biologique est fâché pour n’avoir pas joui de son bien. Pour expier cette malédiction, il va falloir pour la génération future, de chercher la tête (le crâne) de cet ancêtre mal enterrés, et la ramener dans la concession du Tαnkαb, et faire des rites pour apaiser sa colère. De même, si les enfants du “deuxième mariage” ont porté des ndab qui ne venaient par du mari légitime (le premier), les mêmes malédictions s’abattront, et il sera question de changer de ndab à la descendance, afin que les ndab proviennent du premier, car c’est sa descendance.
  5. Le deuxième mari de très bonne foi peut-il valablement profiter de ses ‘’enfants’’ sans risquer la colère de notre tradition?
    NON. Les droits coutumiers sur ces enfants reviennent au premier mari. De nos jours, il peut tout faire comme les lois de l’Etats le lui permettent, mais, lorsqu’il s’agit des actions coutumières, qu’il prenne ses distances.
  6. Peut-on enterrer la femme en terrain neutre (chez ses parents) pour permettre aux différents enfants d’avoir accès à sa tombe ?
    NON. Qu’est-ce que vous appelez terrain neutre ? C’est comme s’il y avait compétition ou dispute entre le mari légitime et une autre personne. Le premier ´poux ne discute sa femme avec personne, c’est lui le Tαnkαb, et non plus le père de la femme. Enterrer la femme chez son père alors qu’elle a été ‘dotée’ est source de malédiction future.
  7. Où se passeront les cérémonies de toqué porte, dot et autres des enfants du “deuxième mariage”?
    Après tout ce qui est dit ci-dessus, vous connaissez déjà la réponse. Tout se passera chez le père légitime des enfants, c’est-à-dire le premier mari de leur mère. Car ce sont ses filles qu’on est entrain de doter. Toutefois, la tradition a prevu ici quelque chose pour le père biologique de la fille qu’on est entrain de doter. Parmi les biens que donnera le fiancé pour la dot de sa fiancée, il y aura une chèvre destinée au père biologique, qu’on appelle “ Mbwə̂ bə’ zwə’ ” (c’est-à-dire chèvre donnée en compensation des reins “cassés” pour engendrer cette fille. Très amusant, ce terme!).
  8. Vue la puissance financière du “deuxième mari”, peut-on organiser un rite traditionnel pour lui permettre de rembourser la dot?
    NON. Puissance financière? La tradition ne prend pas de puissance financière en compte vu qu’il s’agit lors de la dote pas d’un achat, mais d’un symbole. Ce dernier est inestimable et par conséquents comme dit plus haut non remboursable.
  9. Le premier mari peut-il poursuivre le deuxième mari devant la chefferie traditionnelle pour adultère?
    Oui!
  10. Si oui, quelle chefferie sera compétente? Celle du village du premier mari ou la chefferie du village du deuxième mari?
    Les deux chefferies sont compétentes pour juger l’affaire. Seulement, dans notre monde d’aujourd’hui, leurs verdicts ne sera pas au dessus de celui prononcé éventuellement par un tribunal de l’Etat.

NB: La tradition Bamiléké a été ‘’conçue’’ de manière à ne pas donner à la femme l’idée de quitter le mariage quand elle le souhaite et comme elle le souhaite veut, comme c’est le cas dans le monde actuel. La femme, sachant que son union était scellée à vie, oeuvrait beaucoup pour la consolidation de celle-ci. Raison pour laquelle les unions d’hier étaient presque toutes stables. Contrairement au monde d’aujourd’hui où l’option du divorce règne déjà dans la tête de la femme avant que ne naisse le moindre problème.
Pour prendre une femme pour épouse, la famille de l’homme faisait assez d’enquêtes pour s’assurer que rien n’a déjà été fait pour cette femme dans le passé. Ceci pour éviter de mettre au monde des enfants qui ne leur appartiennent pas.

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